Source : science-et-vie.com
Ils allaient chercher des organismes des fonds abyssaux, ils ont remonté des nodules de manganèse de la taille de boules de billard. Les océanographes et biologistes du vaisseau de recherche allemand SONNE ont ainsi découvert par hasard le plus grand champ de « nodules polymétalliques » de l’océan Atlantique, dont l’étendue totale est encore inconnue.
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De telles formations, des nodules composés de métaux comme l’or, le cobalt, le zinc, le fer ou le manganèse, sont connues depuis plus d’un siècle : de tailles et de formes variées, ce sont des agrégats de métal relativement purs (certains atteignent 25% de pureté) déposé au fil des millénaires autour de « germes » qui peuvent être des débris de coquille, dent de requin, …, à la manière dont se forment les perles des huitres.
UNE MINE DE MANGANÈSE PAR 4000 MÈTRES DE FOND
A raison de 1 à 5 millimètres de dépôt par million d’années, les nodules découverts par l’équipe de chercheurs de l’université de Hambourg et du Helmholtz Centre for Ocean Research à Kiel dépassent l’age canonique de 10 millions d’années. Si l’on avait déjà repéré des mines de nodules dans le Pacifique, on ignorait encore si le phénomène était à ce point courant que les fonds océaniques de la planète entière en seraient tapissés. Cette découvert par 4000 mètres de fond dans l’océan Atlantique semble le prouver.
Tout s’est passé par accident car à l’origine, le vaisseau de recherche avait pour objectif l’étude de la vie marine dans les grands fonds. Mais au lieu d’espèces marines, leur « traineau épibenthique » (système robotisé qui drague le fond et prend des photos) a remonté des nodules.
La découverte est d’autant plus intéressante que depuis les années 1970, ces formations aiguisent l’appétit de l’industrie, surtout dernièrement avec la pénurie et le renchérissement des matières premières. Et déjà 1,2 millions de km carrés de fonds marins ont reçu un permis de prospection (mais non pas d’exploitation) par des firmes minières de nombreux pays dont les États-Unis, la Grande Bretagne, l’Inde, le Brésil, la Russie. Néanmoins, l’organisme qui régule la distribution de ces permis, l’Autorité internationale des fonds marins (ISA), le fait avec parcimonie à cause des risques de pollution globale et de destruction locale des écosystèmes englobant ces formations – les ressources des fonds marins situés hors eaux territoriales sont classés « patrimoine commun de l’humanité » par l’ONU.
UNE MINE D’INFORMATIONS SUR LE CLIMAT ET LES ÉVÈNEMENTS OCÉANIQUES DEPUIS PLUS DE 10 MILLIONS D’ANNÉES
De leur coté, les scientifiques, qui précisent que le voisinage des nodules ne semble pas abriter un écosystème très riche (peut-être à cause de la présence des métaux), insistent sur l’intérêt de préserver et étudier ces formations dont les stries à croissance très lente servent d’archives climatiques, à l’instar des carottes de glace extraites des pôles. Aussi, pour l’heure, l’exploitation minière des fonds océaniques est encore sujet à débat. Et il n’y a pas de date arrêtée pour passer de la phase de prospection à celle d’extraction.
Román Ikonicoff
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- Alerte à la pénurie ! – S&V n°1136 – 2012 – L’industrie (et l’humanité) ont besoin de matière première pour garantir leur pérennité. Aussi, la pénurie qui se profile, en cuivre, zinc, or, platine, uranium, phosphore, sable, risque de gréver notre futur.
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